Casablanca, le 29/03/2022
La Cybersécurité en Afrique : quelle place dans l’échiquier mondial et quels enjeux stratégiques pour les entreprises africaines ? C’est le thème de la deuxième édition du programme « CFC Talks » que Casablanca Finance City a diffusé en ligne, mardi 29 mars.
Pour rappel, les CFC Talks, lancés en 2021, visent à donner une perspective africaine et un retour d’expérience terrain aux investisseurs locaux et internationaux qui souhaitent étendre leurs activités sur le continent.
Lors de l’ouverture de cette édition, M. Saïd Ibrahimi, Directeur Général de Casablanca Finance City, a mis l’accent sur les mutations entrainées par la digitalisation, « un véritable accélérateur de croissance » qui n’en constitue pas moins un facteur de risque à cause des cyberattaques dont le coût pour l’Afrique est estimé à 4 milliards de dollars par Interpol en 2021. Il a également rappelé que « l’Afrique, comme le reste du monde, doit s’armer et se préparer pour faire face aux défis de la cybersécurité » en rappelant que « la communauté CFC compte en son sein un noyau dur d’entreprises spécialisées en cyber au Maroc et sur le continent ».
Cette émission-débat, animée par Manal Bernoussi, Directrice Stratégie, Partenariats & Communication de Casablanca Finance City, a vu la participation de nombreux membres et partenaires de la communauté CFC qui ont pris part à la réflexion. M. Imade Elbaraka, Associé Managing Partner de l’activité cyber en France et Afrique francophone à Deloitte, a confirmé le coût élevé des cyberattaques et les bénéfices que pourraient tirer de nombreuses institutions à aborder davantage les enjeux liés à la cybersécurité. Des études menées par Deloitte révèlent que 49% des organisations mondiales et seulement 12% des entreprises africaines discutent de la cybersécurité lors des réunions du conseil d’administration.
Une menace multiforme et transfrontalière
Dans le premier panel axé sur les retours d’expérience terrain du continent africain, M. Ali El Azzouzi, CEO & Fondateur de Dataprotect, attire l’attention sur le fait que les activités cybercriminelles ne requièrent aucune connaissance poussée en TIC. Il confirme la vulnérabilité du continent à la cybercriminalité, souligne que la cybersécurité est une question de bonne gouvernance et déplore l’absence de coopération entre les pays africains alors que le phénomène est transfrontalier.
M. Yaya Touré, Directeur des Systèmes d’Information de la Banque Atlantique, filiale du Groupe BCP a, quant à lui, relevé que les cybercriminels ont maintenant tendance à s’attaquer à la clientèle qui bénéficie de services digitaux, des cibles privilégiées en raison de l’absence de culture digitale.
Face à la prolifération des risques dans un contexte de déficit en ressources humaines qualifiées, la formation des talents est une priorité pour l’UM6P. Selon M. Hassan Baloui, COO et Directeur du Développement de la cybersécurité de l’Université Mohammed VI Polytechnique, cette institution est consciente de la nécessité d’adapter les formations aux besoins des partenaires industriels, les besoins de l’économie marocaine en particulier et l’économie africaine en général. Conscient du « brain drain » qui affecte toute l’Afrique, il a rappelé la nécessité de retenir cette jeunesse, étant donné que la formation du capital humain prend plus de temps que les investissements en infrastructures.
Il est indéniable que les ressources humaines constituent le nerf de la guerre quand on sait que les criminels réinventent leurs modes opératoires et s’adaptent très facilement.
Partageant son expérience, M. Yann Bonnet, Directeur Général Délégué de Campus Cyber en France, initiative récemment lancée par le Président Emmanuel Macron, a donné en exemple le cas de Campus Cyber France, un écosystème constitué par 1600 entreprises réunis dans un espace physique commun et œuvrant pour le développement des talents et de l’innovation. Plus généralement, la finalité est de développer l’intelligence collective pour mieux faire face à la menace.
Développer la coopération à l’échelle continentale et internationale
Dans le deuxième panel consacré aux réponses possibles et perspectives en termes de cybersécurité, Mme Salima Amira, Directrice Générale de Microsoft Maroc, est revenue sur l’augmentation des risques engendrée par le travail en ligne dans le contexte de crise sanitaire. Et de préciser que le couplage des réseaux domestiques et professionnels a augmenté les points d’accès des cybercriminels.
Préoccupation partagée par M. Yassir Kazar, CEO & Co-Fondateur de Yogosha dont l’entreprise a développé un moyen de sécurisation par le « hacking » éthique. Le CEO & Co-Fondateur de Yogosha souligne en substance la nécessité d’investir dans la sécurité parce que certaines règlementations peuvent chercher à établir la responsabilité de l’entreprise en cas d’attaque.
D’où le fort besoin d’accompagnement mis en évidence par M. Emmanuel Cheriet, Directeur Maghreb et Afrique de l’Ouest d’Orange Cyberdefense, car la cybersécurité est un domaine complexe et les menaces multiformes.
Il ressort de ces échanges que l’Afrique n’est pas épargnée par la cybercriminalité, mais qu’elle est encore peu préparée pour y faire face. L’insuffisance des investissements alors que la digitalisation se répand, le manque de capital humain compétent et la faiblesse de la coopération à l’échelle continentale en sont les principales causes. Il en résulte l’obligation de dégager plus de moyens financiers pour la sécurité, la formation et la rétention des talents.
Cela passe précisément par la construction d’écosystèmes d’acteurs divers impliquant l’ensemble des parties prenantes publiques et privées pour faire émerger les talents en cybersécurité. Les écosystèmes comme ceux créés par CFC et l’UM6P et d’autres initiatives similaires constitueront sans doute un terreau favorable pour le développement de ce secteur.